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Tassement du sol : « La technologie ne compense pas l’incompétence agronomique »

La compaction des sols étant plus ou moins inévitable, il s'agit surtout de gérer ses conséquences et de la corriger.

Des tracteurs sous-exploités, des puissances en trompe-l’œil, des outils mal dimensionnés, des lignes de circulation à revoir… Julien Hérault, conseiller en machinisme agricole, explore les pistes pour concilier débit de chantier et préservation des sols.

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« Comment cumuler débit de chantier et préservation des sols ? », c’est un peu comme « comment manger gras et rester mince ? » : un sujet complexe et épineux. Pour y répondre, Julien Hérault, spécialiste du machinisme agricole, a évoqué des pistes à suivre lors d’une conférence organisée à l’occasion d’Innov-Agri Nord. « Je n’ai que 20 minutes, il n’y a pas de place pour la nuance, ça peut choquer, mais c’est un bon résumé », prévient le responsable de Conseils Agroéquipements.

Premier élément du dossier à prendre en compte, le tracteur. 143 ch en moyenne en 2017, 164 ch en 2023, leur puissance moyenne ne cesse d’augmenter en France. Mais si, en matière de pneumatiques, un célèbre slogan affirme que « sans maîtrise, la puissance n’est rien », pour les tracteurs, ce serait plutôt « sans poids, la puissance n’est rien ».

Le kg/ch, une donnée cruciale

« Le premier critère discuté lors de l’achat d’un tracteur, c’est la puissance. Alors que la force de traction est corrélée à la densité de la machine, au kilo par cheval. Avec l’augmentation des trajets sur la route, tous les constructeurs ont tendance à alléger leurs machines. Le piège, c’est d’aller chercher de la puissance pour compenser. On n’a pas nécessairement besoin de plus puissant mais de plus dense. Mais malheureusement le kg/ch n’est jamais mis en avant », souligne Julien Hérault.

Forcément, derrière la croissance exponentielle des tracteurs, les outils ont tendance à suivre le mouvement. « Mais en fait, ils sont rarement assez larges. Ils saturent rarement la puissance du tracteur », déplore le conseiller.

L’équation du tracteur bien utilisé

Il propose une formule pour évaluer la bonne exploitation du potentiel d’un tracteur : le nombre de litres de GNR consommés divisé par le nombre de chevaux divisé par le nombre d’heures de travail, soit l/ch/h. « Si le résultat final est en dessous de 0,11, le tracteur n’est pas pleinement utilisé, il y a un capital non-exploité. Et c’est le cas pour la majorité des agriculteurs », constate Julien Hérault.

Un tracteur poussé dans ses retranchements et un outil de la bonne dimension, c’est bien, penser à la compaction des sols, et surtout à ses conséquences, c’est encore mieux. « De la compaction, il y en aura. La vraie question, c’est comment la gérer. Est-ce qu’on choisit de tasser en profondeur ou en surface ? Il faut ensuite corriger, par la mécanisation ou l’organique ».

L’impossible retour en arrière

Pour Julien Hérault, les solutions techniques (télégonflage, chenilles, pneus de plus en plus larges…), c’est un peu le serpent qui se mord la queue : « Ces technologies sont tellement performantes qu’elles ont surtout conduit à augmenter les poids des machines ! Dans le fond, ce sont des solutions de préservation du débit de chantier, pas de préservation des sols. »

L’expert reconnaît que revenir en arrière, à des méthodes mécaniques moins impactantes et nécessitant plus de bras, est illusoire. « Les charges exploseraient. Et l’agriculture intensive a besoin de puissance et de grandes largeurs de travail », avoue-t-il.

Le CTF, condamner pour moins tasser

Il préconise deux solutions. Le CTF (Controlled Traffic Farming), rendu possible par la démocratisation de l’autoguidage, permet de récupérer les lignes année après année, avec pour objectif de condamner « moins d’un dixième du champ ».

Et, surtout, il s’agit de réfléchir au mode de production qui « a au final plus d’impact sur le sol que les technologies ». Julien Hérault avait annoncé qu’il pourrait choquer. Il conclut : « La technologie ne compense pas l’incompétence agronomique ».

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